Le dernier sondage FranceAgriMer confirme l’ampleur d’un phénomène inédit depuis des décennies. Plus de douze mille viticulteurs ont répondu à l’enquête à l’automne, et une partie importante d’entre eux envisage un arrachage si une aide financière est proposée : au total, plus de 34 000 hectares, avec des intentions particulièrement marquées en Languedoc-Roussillon, Nouvelle-Aquitaine, Vallée du Rhône, Provence et Sud-Ouest.
Selon les bassins, les motivations divergent. Dans certains territoires, l’objectif principal est d’ajuster les surfaces au niveau des débouchés et de redimensionner l’exploitation. Ailleurs, une part notable des surfaces mentionnées est liée à des arrêts complets d’activité. Si un dispositif national d’arrachage venait à voir le jour, plusieurs organisations professionnelles estiment que le total pourrait approcher les 50 000 hectares.
Ce volume traduit aussi une volonté de rééquilibrer la production pour retrouver un meilleur alignement entre offre et demande. Malgré une récolte 2025 en nette baisse, les stocks restent importants et pèsent encore sur les prix. Dans certains bassins, les acteurs évoquent un potentiel de production autour de 33 millions d’hectolitres comme seuil plus cohérent avec le marché actuel. L’arrachage, combiné à une distillation ciblée, apparaît dans ce cadre comme un outil de régulation.
Au-delà de l’enjeu conjoncturel, de nombreux professionnels y voient aussi un levier pour moderniser les exploitations. Réduire certaines surfaces peut permettre de concentrer les efforts sur les parcelles les plus adaptées, de revoir l’encépagement, d’introduire des variétés plus résilientes au climat ou encore d’améliorer la mécanisation.
Dans plusieurs régions, l’arrachage est intégré à une réflexion plus large sur l’avenir du vignoble : adaptation au réchauffement climatique, montée en qualité, diversification des profils de vins et meilleure adéquation au marché. Ce mouvement, s’il est accompagné, peut contribuer à renforcer la compétitivité de la filière sur le long terme.
Le financement estimé pour soutenir ce processus, environ 200 millions d’euros, se base sur la prime de 4 000 €/ha utilisée l’an dernier. Mais ce point reste en discussion entre Paris et Bruxelles. Les États membres peinent à se mettre d’accord sur la mobilisation des fonds européens et la Commission européenne ne s’est pas encore positionnée. La profession espère un signal rapide pour ne pas freiner les projets déjà engagés.
Dans ce contexte, la ministre de l’Agriculture a annoncé plusieurs mesures, dont l’assouplissement prévu en 2026 des prêts de reconsolidation des dettes viticoles, jusqu’ici difficiles d’accès, ainsi que la réaffectation de crédits pour alléger certaines cotisations.
La filière rappelle toutefois que cette transition ne pourra être pleinement bénéfique qu’avec une vision d’ensemble : maintien de la compétitivité à l’export, visibilité réglementaire, accès à l’eau, renouvellement des solutions de protection du vignoble, cadre fiscal stable. Autant d’éléments qui conditionnent la capacité des exploitations à tirer parti de la restructuration en cours.
Pour les organisations professionnelles, l’enjeu des prochaines semaines sera de transformer les pistes identifiées en dispositifs opérationnels. L’objectif n’est pas de freiner l’évolution du vignoble mais de la sécuriser, pour qu’elle devienne une opportunité de consolidation plutôt qu’un facteur de fragilité.