En Ile-de-France, des agriculteurs optent pour un semis précoce de leurs colzas, dès début août, pour certains. « Un choix en général gagnant, constate Lucien Oudart de la chambre d’agriculture, qui le sera d’autant plus si une fumure azotée est apportée avant le 1er septembre, comme le permet la législation. »
« Les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à tester les semis très précoces de colza, avant le 10 août, souligne Lucien Oudart, conseiller grandes cultures à la chambre d’agriculture de la région Ile-de-France. Les étés étant plus secs, les producteurs sont à la recherche des fenêtres les plus propices aux semis, et surtout à la levée, même si c’est beaucoup plus tôt qu’on ne le conseillait il y a quelques années. » Mais, pour lui, cela ne veut pas dire pour autant que les semis après le 15 août, voire en septembre, sont à bannir. « L’environnement proche de la parcelle, les bordures de bois, de haies, et les précédents culturaux conditionnent en grande partie la pression ravageurs et la réussite de la culture. Nous en avons fait l’expérience cette année avec les altises et pucerons, toutes cultures confondues. »
« En cas de semis très précoce, il peut être opportun d’apporter une fumure azotée, précise le conseiller. On a vu des colzas semés très tôt, très beaux en août après la levée, devenir fébriles à l’automne, tout simplement parce qu’ils manquaient d’azote. » L’objectif est d’obtenir une croissance dynamique tout au long de l’automne et une plante suffisamment robuste face aux ravageurs. Il conseille d’apporter 30 unités d’azote, sous forme organique ou minérale, avant le 1er septembre, ou 10 unités en localisé quelle que soit la date, comme le permet la législation. « Des engrais binaires (azote + soufre ou azote + phosphore) peuvent aussi avoir un intérêt sur colza, indique-t-il. Cette année, dans nos essais, la fertilisation au semis, pour l’équivalent de 30 unités d’azote, a permis en moyenne un gain de 3,5 q/ha. »
« A la chambre d’agriculture, nous n’avons pas conduit d’essais spécifiques pour savoir si les semis très précoces étaient plus intéressants, explique Lucien Oudart. En revanche, nous avons mis en place des expérimentations où nous avons mesuré l’effet de plusieurs leviers agronomiques permettant d’obtenir des colzas robustes face aux attaques d’insectes. La date de semis fait partie des leviers comme l’association avec des plantes compagnes ou l’apport d’engrais au semis. C’est l’association de tous ces leviers qui joue sur la rapidité d’implantation du colza. » Les observations montrent que les colzas qui ont atteint le stade 4 feuilles vers le 20-25 septembre résistent beaucoup mieux aux grosses altises, pucerons verts et charançons du bourgeon terminal que les autres. C’est en effet vers le 20-25 septembre que les grosses altises arrivent traditionnellement dans les colzas. Pour les mêmes raisons, les parcelles levées en août sont aussi beaucoup moins sensibles aux attaques de limaces que celles qui lèvent plus lentement en septembre.
Les plantes compagnes constituent aussi un levier contre les insectes. « Elles sont intéressantes sous deux aspects, ajoute le conseiller. Le premier est l’effet répulsif potentiel sur les insectes d’automne et notamment les grosses altises. Cet effet est principalement observé avec des féveroles mais cette espèce peut être compliquée à gérer s’il n’y a pas d’hiver. D’autres mélanges avec des petites graines telles que la lentille, le fenugrec, le trèfle d’Alexandrie, qui sont des espèces gélives et couvrantes, peuvent être intéressants. Ce qu’il faut, c’est une biomasse suffisamment développée. Terres Inovia estime qu’un effet positif sur les attaques d’insectes est mesurable lorsque les plantes compagnes atteignent un minimum de 200 g/m² en fin d’automne. »
Les légumineuses contribuent également à une bonne alimentation azotée des colzas en octobre-novembre, surtout sur les sols superficiels, et les colzas bien alimentés supportent mieux la prédation des insectes à l’automne. « Les légumineuses associées au colza sont exigeantes en somme de températures pour se développer, raison supplémentaire pour semer tôt le colza, ajoute Lucien Oudart. Semer des plantes compagnes en septembre n’a pas d’intérêt. »