Article •  11.07.2022

Dominique Tristant : « Comment sécuriser au mieux la culture du colza ? »

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Dominique Tristant : « Comment sécuriser au mieux la culture du colza ? »

Deuxième tête d’assolement après le maïs, le colza joue un grand rôle sur la Ferme de Grignon dans les Yvelines, l’exploitation agricole adossée à l’école d’ingénieurs AgroParisTech. En plus de sa présence dans la rotation, le colza fait partie des nombreuses expérimentations conduites sur le site, comme celles mises en place depuis deux ans, pour tester l’itinéraire Colza Différent de Corteva. Dominique Tristant, son directeur, a accepté de répondre à nos questions.

Pourriez-vous nous décrire en quelques mots, la Ferme de Grignon ?

L’exploitation s’étend sur 400 ha, moitié en cultures fourragères, moitié en cultures de vente et regroupe un élevage de 200 vaches laitières, une troupe de 600 brebis allaitantes, une laiterie où sont fabriqués des yaourts, lait mis en bouteille, crème fraîche et autres produits ultra-frais, un méthaniseur, une boutique pour la vente des produits et, bientôt, un bâtiment couvert de panneaux photovoltaïques. En parallèle, nous conduisons chaque année un certain nombre d’expérimentations de recherche appliquée, essentiellement pour le monde économique. Nous sommes aussi ouverts au public et recevons 30 000 visiteurs par an. Au total, nous sommes 35 salariés sur la ferme et, comme toutes les exploitations, elle doit être rentable.

Vous avez organisé le 18 mai, la première Journée de l’Innovation Agricole. Comment s’est-elle déroulée ?

La ferme a toujours été un lieu ouvert sur les innovations. C’est ici que les premiers Innov’agri se sont déroulés il y a plus de trente ans. Nous avons été le premier élevage à installer un méthaniseur Nénufar en France. C’est ici que l’un des premiers ramasseurs de menue-paille a fonctionné. Nous sommes aussi l’une des premières fermes à mesurer les émissions de méthane des vaches, ou celles du protoxyde d’azote. On pourrait citer encore de multiples exemples. Depuis 2018, nous avons créé Farm Inn Lab, qui se veut un réceptacle d’innovations, digitales, mais aussi dans de nombreux autres domaines.

Dominique Tristant, directeur de la Ferme de Grignon dans les Yvelines, l’exploitation agricole adossée à l’école d’ingénieurs AgroParisTech. (©Dominique Tristant)

Cette nouvelle structure apporte un support terrain, le cadre d’une vraie exploitation agricole, à des start-ups, des PME ou de grands groupes qui ont besoin de tester, valider ou lancer commercialement un nouvel outil, un nouveau produit ou une nouvelle idée. C’est ce qui nous a donné l’idée, il y a un an, d’organiser un salon au champ. La 1ère journée de l’innovation agricole s’est très bien déroulée, avec 30 innovations présentées et 300 visiteurs. Fort de ce succès, nous nous mettons d’ores-et-déjà en ordre de bataille pour préparer la 2e édition, en mai 2023.

Quelle est la place du colza sur l’exploitation ?

Après le maïs qui occupe 70 ha, en culture fourragère pour les animaux, le colza est la deuxième tête d’assolement et nous lui consacrons, selon les années, autour de 30 ha, en rotation avec du blé et de l’orge d’hiver ou de printemps. La ferme se situe dans une zone de production de colza avec des problématiques de sécheresse, larves d’altises et méligèthes, et régulièrement des problèmes de gel en avril dans les vallées. Notre objectif est d’identifier les moyens de sécuriser la culture. C’est pourquoi la demande d’expérimentation « Colza différent » de Corteva nous a particulièrement intéressés.

En quoi consistent les essais « Colza différent » que vous mettez en place depuis deux ans sur la ferme ?

Les expérimentations se déroulent, comme tous nos essais, en conditions agriculteurs, sur des bandes d’environ 1 ha. L’an dernier, nous avons comparé, dans une parcelle avec forte pression géraniums, une conduite standard, avec une semence tolérante au sclérotinia, BRV703 de Brevant, avec traitement de semences classique, désherbage de post-semis de référence et fongicide classique, et une conduite dite « différente », avec traitement de semences insecticide en cours d’évaluation, désherbage en post-levée (17 octobre) avec Mozzar à 0,25 l/ha suivi d’un Ielo à 1,5 l/ha (24 novembre) et fongicide Ballad, d'origine naturelle à base de Baccillus pumilus. Résultat : le rendement a été équivalent, autour de 47,4 q/ha, un gain d’IFT de 1 point. Dans la parcelle Colza différent, les géraniums ont été parfaitement bien maîtrisés, un peu moins bien dans la parcelle standard.

Que testez-vous cette année ?

Cette année, nous avons mis en place des expérimentations dans une parcelle à haut potentiel infestée de vulpins et dans une parcelle en terrain superficiel à forte pression mercuriales. En plus de comparer les programmes herbicides post-semis/prélevée et tout en post, nous évaluons l’intérêt des plantes compagnes contre les larves d’altises et leur élimination dans le colza en l’absence de gel. De même, nous allons tester l’utilisation de bactéries fixatrices d’azote Blue N (bactérie symbiotique Methylobacterium Symbioticum).

Quels enseignements pouvez-vous déjà en tirer ?

Les tests Berlèse ont confirmé l’intérêt très net des légumineuses (trèfle d’Alexandrie et lentilles) contre les larves d’altises. Une bonne nouvelle alors qu’il est indispensable de trouver une solution alternative pour réduire leur pression et retarder leur apparition, avec la disparition dès l’automne prochain, d’une molécule insecticide efficace contre les larves. Côté herbicides, le programme a été plus complexe que l’année précédente, avec la gestion des mercuriales et des vulpins avec l’utilisation d’un antigraminées foliaire en sus le 28/09 suivi d’un Kerb Flo le 6 décembre. Les adventices ont été bien maîtrisées dans tous les cas de figure. Nous sommes intervenus au printemps pour éliminer les légumineuses, car il n’a pas gelé cet hiver.

Que pensez-vous du désherbage de post-levée ?

Avec l’arrivée de Ielo et Mozzar, nous disposons désormais d’une palette de solutions en post-levée très intéressante qui permet de bien cibler les adventices réellement présentes et de rationaliser les interventions. En cas de retournement, nous n’avons plus le souci d’avoir investi pour rien. Avec cette possibilité offerte en post-levée, nous sommes plus sereins lors de l’implantation du colza. 

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